mercredi 18 décembre 2013

"Moby Dick" de Herman Melville

Je poursuis toujours dans mes classiques. Cette semaine, je vais vous parler de "Moby Dick" d'Herman Melville.


Je vous préviens à l'avance que cet article va être long ! Ce livre m'a tellement marqué que je vous dois de vous raconter cette expérience comme elle s'est produite. Je n'avais jamais lu le livre bien que je l'ai dans ma bibliothèque. "Une histoire de baleine probablement..." me disais-je ! Et bien un peu plus en réalité ! J'ai mis plus de 3 semaines à lire le livre tellement il est conséquent ! Lorsque vous commencez la lecture, vous avez un préambule qui regroupe presque la totalité des mentions faites à la baleine dans la littérature. Ma réaction : waouh, le boulot ! Et vous avez du détail.

Le diamètre de l’aorte d’une baleine est plus grand que celui de la conduite d’eau principale de London-bridge et le rugissement dans la canalisation est moindre en violence et en rapidité que celui du sang jaillissant du cœur d’une baleine (Paley, Theologie naturelle).

On sent déjà que l'auteur maîtrise son sujet jusqu'à l'étymologie de la baleine !

Quand vous assumez d’enseigner les autres et de leur apprendre comment appeler la baleine (whale-fish) en notre langue, omettant par ignorance la lettre H qui à elle seule contient presque tout le sens du mot, vous ne respectez pas la vérité.

Wahle en suédois et hval en danois. Sa rondeur et sa nage en roulis valent son nom à cet animal ; car en danois hvalt signifie : en arche, en voûte.


Vous commencez ensuite l'histoire. Vous faites la connaissance du personnage et vous êtes vite arrêté dans le récit par un essai sur la mer. Thèse, antithèse et synthèse ! Ma réaction : Ah ouais, c'est vraiment du lourd ! Ces réflexions philosophiques sont vraiment très intéressantes.

Cette noblesse dont je parle n'est pas celle des rois et des magistrats, c'est une noblesse sans limites qui n'est pas investie par la robe. Tu la verras briller dans le bras qui lève la piocche ou qui plante le clou, cette dignité du peuple.
Rire est la réponse la plus sage à l'étrangeté.

Ce qui est incroyable, c'est ce mélange des genres. Essai philosophique, narration et même poésie !

Nous boirons, ce soir, à la santé de l'amour
D'un coeur léger, gai et volage
Comme les bulles qui, au bord de la coupe
Éclatent sur nos lèvres.

Alors après l'essai sur la mer, vous avez celui sur la blancheur ! Et l'auteur nous provoque !

Mais, vas-tu penser, ce chapitre de céruse sur la blancheur n'est que le pavillon blanc hissé par une âme poltronne, tu rends les armes à l'hypocondrie, Ismaël.

Vous avez aussi un chapitre ou deux sur les peintures de baleines avec une narration descriptive spectaculaire. Préparez le dictionnaire quand vous trouvez des mots comme méphistophélique ! Oui, ça veut dire diabolique... On passe au chapitre suivant et on se demande presque où est le récit ! En effet, l'auteur recommence...

Ce chapitre est aussi important que n'importe quel autre de ce livre, sans faire à proprement parler partie du récit, car il traite de quelques habitudes intéressantes et singulières du cachalot.

On s'en lasserait presque mais l'auteur sait nous tenir.

La plupart des terriens sont tellement ignorants des merveilles les plus évidentes et les plus manifestes de ce monde que sans quelques références à des faits précis, historiques ou autres, de la pêcherie, ils pourraient voir en Moby Dick une fable monstrueuse ou, ce qui serait détestable et plus grave, une allégorie hideuse et intolérable.

Vous l'aurez compris, l'auteur a un but : nous faire tout connaître de la baleine avant qu'on sache vraiment l'histoire de Moby Dick. Après un chapitre sur la baleine en nourriture, plusieurs chapitres sont également consacrés à l'anatomie de la baleine en se basant sur son expérience et en se moquant des reproductions de l'époque par des gens qui n'y connaissaient rien.

Je ne voudrais pas paraître inélégant mais cette vilaine baleine ressemble beaucoup à une truie amputée.

La palme de la maladresse revient à Frédéric Cuvier [qui] a publié une Histoire Naturelle des cétacés, dans laquelle il donne ce qu'il appelle une image du cachalot. (...) En un mot, le cachalot de Cuvier n'est pas un cachalot, c'est une courge.


La plupart de ces dessins ont été faits d'après des poissons échoués, ce qui équivaut à représenter un navire d'après une épave.

En plus, Herman Melville a de l'humour ! Vous avez donc ensuite "La baleine pour les nuls" avec une anatomie de la tête suivie d'une éloge/essai philosophique sur son souffle ou encore mieux... sa queue ! L'auteur nous re-provoque !

Puisque j'ai entrepris de manier le léviathan, il m'incombe de me montrer à la hauteur de ma tâche, de ne pas négliger la plus minuscule cellule de son sang et de raconter jusqu'au moindre repli de ses entrailles.

Quand l'auteur en a finit avec sa tâche, il revient au récit. On a enfin toutes les cartes en main pour découvrir et comprendre Moby Dick, cette baleine que le capitaine Achab recherche en vain depuis de nombreux mois. Je ne vous ferai pas de résumé mais c'est exactement ce que je me disais quand j'étais plus jeune : une histoire de baleine. Mais une grande et belle histoire puisque, après sa lecture, je considère Moby Dick comme l'un des dix plus grands et importants romans de la littérature. En espérant que mon article soit à la hauteur de l'estime que je porte au livre et à son auteur. Le dernier mot lui revient.

Un thème si vaste et si généreux est exaltant ! On se dilate à sa dimension. Pour faire un livre puissant il convient de choisir un sujet puissant. On ne pourra jamais écrire une oeuvre grande ni durable sur la puce, si nombreux que soient ceux qui s'y sont essayés.

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