Je lis beaucoup de journaux et de magazines dans le métro. Quand un article me plait, je le déchire et le met dans mon sac. Forcément comme je ne fais pas le ménage de mon sac tous les jours, je ne les retrouve que beaucoup plus tard. C'est le cas de cette chronique d'Albert Algoud.
"Un nouveau terme se glisse dans toutes les conversations, contamine les dîners en ville et champignonne dans les médias. Il s'agit de l'adjectif "vrai". Personne n'y échappe ! "C'est un vrai film avec une vraie intrigue"..."Federer a une vraie énergie"..."Bois ça, c'est du vrai vin" ! Plus encore que le verbe "gérer", terme de compatibilité qui régit désormais toutes activités humaines (un amim'a demandé comment j'arrivais à "gérer" mon chien), l'adjectif "vrai" trouve un emploi quasi universel. Tout peut désormais être qualifié de "vrai". D'ailleurs, à propos de mon sympathique clébard et de ses grandes oreilles, un autre ami m'a lancé récemment: "C'est un vrai chien !" Tout cela voudrait dire que la pensée situationniste qui se défie des apparences mensongères est en train de triompher dans les esprits ? "Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment de faux", écrivait Guy Debord dans La société du spectacle. La méfiance envers le paraître d'un monde de plus en plus virtuel expliquerait-il cette référence au "vrai", qui serait opposable au "faux" ? l'explication est sûrement plus simple. Dire qu'on a vu un "vrai" film ne signifie pas qu'il aurait pu s'agir, à l'inverse, d'un film factice, réalisé par un faussaire avec de simili-acteurs ! Tout bonnement, un "vrai" film est supposé désigner un "bon" film. A noter que du même film, une autre personne pourra dire qu'il s'agit d'une "vraie" daube. L'essentiel est l'emploi de ce terme qui remplace tous les autres. Pourquoi se fatiguer avec "authentique", "digne de ce nom", etc ? Bon arrêtons-là les divagations intellos ! Mais tant qu'à faire, je vous recommande un "vrai bouquin : Ecrits mémorables de Louis Massignon. massignon, je sais, ça vous dit moins que Soan ou Susan Boyle, mais c'est ungéant, la légende de l'orientalisme français. Un savant chrétien qui consacra sa vie au monde musulman. Les crises et les clashs d'aujourd'hui, il les avait tous anticipés. Ses textes écrits dans l'entre-deux-guerres éclairent notre brûlante actualité. Et avec ça, un "vrai" style !"
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