vendredi 22 août 2008

"Dans le nu de la vie" de Jean Hatzfeld

Suite à ma lecture de "La stratégie des antilopes" (http://benolife.blogspot.com/2008/07/la-stratgie-des-antilopes-de-jean.html), j'ai approfondi ma connaissance du génocide rwandais avec "Dans le nu de la vie - Récits des marais rwandais" du même auteur. Merci à ma soeur de m'avoir prêté ce livre...




Au cours de longs séjours dans une bourgade du Rwanda (Nyamata), Jean Hatzfeld a tissé des liens de confiance avec des rescapés Tutsis du génocide et les a convaincu de sortir de leur silence en acceptant de raconter ce qu'ils ont vécus dans les marais et ailleurs. Ces récits d'enfants, de femmes et d'hommes sont saisissants et poignants. On ne les oublie plus. En voici des extraits de quelques uns :

" En 1994, entre le lundi 11 Avril à 11h et le samedi 14 mai à 14h, environ 50 000 Tutsis, sur une population d'environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9h30 à 16h, par des miliciens et voisins hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda. Voilà le point de départ de ce livre."

" Un génocide n'est pas une guerre particulièrement meurtrière et cruelle. C'est un projet d'extermination. Au lendemain d'une guerre, les survivants civils éprouvent un fort besoin de témoigner ; au lendemain d'un génocide, au contraire, les survivants aspirent étrangement au silence."

" L'homme cache des raisons mystérieuses à vouloir survivre. Plus on mourait, plus on était préparés à mourir et plus on courait vite pour gagner un moment de vie. même ceux qui avaient des jambes et des bras coupés, ils demandaient de l'eau pour durer seulement une heure supplémentaires. Je ne peux expliquer ce phénomène. Ce n'est pas un réflexe animal ; parce que l'animal, lui, il veut vivre parce qu'il n'est jamais certain de mourir, puisqu'il ignore ce que signifie la mort."

" On ressemblait à des animaux, puisqu'on ne ressemblait plus aux humains qu'on était auparavant, et eux, ils avaient pris l'habitude de nous voir comme des animaux. Ils nous traquaient comme ça. Ils avaient enlevé l'humanité aux Tutsis pour les tuer plus à l'aise, mais ils étaient devenus pires que les animaux de la brousse parce qu'ils ne savaient plus pourquoi ils tuaient. Un interahamwe (NB hutu génocidaire), quand il attrapait une Tutsie enceinte, il commençait par lui percer le ventre à l'aide d'une lame. Même une hyène tachetée n'imagine pas ce genre de vice avec ses canines."

"D'une certaine façon, l'ethnicité c'est comme le sida, moins tu oses en parler, plus elle cause de ravages."

" On n'oublie rien. Moi, il m'arrive de passer plusieurs semaines sans revoir les visages de mon épouse et de mes enfants défunts, alors que j'en rêvais toutes les nuits auparavant. Mais pas un seul jour, je n'oublie qu'ils ne sont plus là, qu'ils ont été coupés, qu'on a voulu nous exterminer, que des avoisinants de longue date se sont transformés en animaux en quelques heures. Tous les jours, je prononce le mot "génocide"."

"Aujourd'hui, quand j'écoute la radio, j'entends que les Blancs s'élancent en avion de guerre dès qu'il y a de la pagaille en Irak ou en Yougoslavie. Au Rwanda, les gens ont été saignés pendant trois mois, et les Blancs n'ont envoyé que des journalistes à pied pour bien photographier."

"Le génocide pousse vers l'isolement ceux qui n'ont pas été poussés vers la mort. Il y en a qui perdent le goût de la gentillesse. Celle qui avait accouché ses enfants et qui les a vus tués, celui qui avait construit sa maison et qui l'a vue brûlée, celui qui faisait paître des vaches de belles couleurs et qui les sait bouillies dans la marmite, comment les voyez-vous se lever dorénavant chaque matin, avec rien dans la main ?"

A noter, la structure particulière du livre que j'aime beaucoup : Introduction sur un lieu, rituel ou un moment de vie du village - témoignage en relation - Introduction sur un lieu, rituel ou un moment de vie du village - témoignage en relation - etc etc...

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