Une lecture faite dans la douleur... Voilà plus de 2 ans qu'Anne-So, Julie, David et Idriss m'ont offert "Le cimetière de Prague" d'Umberto Eco !
Le célèbre auteur du "Nom de la rose" fonde son dernier roman sur le journal tenu à la fin du 19ème siècle par Simonini, un faussaire italien réfugié à Paris. Avec ce journal, il évoque ses souvenirs, en commençant par son enfance, partagée entre l'anti-cléricalisme de son père et l'anti-judaïsme de son grand-père. Les mots sont assez crus et parfois durs à lire.
"Ils commencent à rôder autour de toi quand tu viens de naître, ils te baptisent ; tu les retrouves à l’école, si tes parents ont été bigots au point de te confier à eux, puis c’est la première communion, et le catéchisme, et la confirmation : il y a un prêtre le jour de ton mariage pour te dire ce que tu dois faire dans ta chambre, et le lendemain en confession pour te demander combien de fois tu l’as fait et pour pouvoir s’exciter derrière le guichet. Ils te parlent avec horreur du sexe mais tous les jours tu les vois sortir d’un lit incestueux, et sans même s’être laver les mains ils vont manger et boire le Seigneur, pour ensuite le chier et le pisser."
"Deux grands narcotiques européens, l’alcool et le christianisme."
Le grand-père est un partisan de la théorie du "complot juif" qui voudrait qu'il y ait une vaste entreprise de domination dans le monde, menée par les Juifs. Personne n'a grâce à ses yeux, les juifs, les étrangers comme les français.
"Avec les allemands, c’est comme avec les femmes, on n’arrive jamais au fond."
"Le français ne sait pas bien ce qu’il veut, sauf qu’il sait à la perfection qu’il ne veut pas ce qu’il a. Et, pour l’exprimer, il ne sait rien faire d’autre que de chanter des chansons."
"L’homme avait un penchant singulier pour la bonne cuisine même s’il montrait la gloutonnerie du provincial qui veut tout goûter et ne sait pas composer un menu comme il faut."
Bref, ce pauvre Simonini a de bonnes raisons d'avoir été traumatisé. Il devient donc faussaire puis espion. Grâce à lui, nous revivons de grands moments historiques - expédition des Mille, la guerre franco-prussienne de 1870, la Commune de Paris, l'afffaire Dreyfus, ... C'est historiquement très intéressant et bien décrit. Cependant, la base du roman est cette théorie du complot évoqué dans les Protocoles des sages de Sion. Ce "complot juif mondial" est en fait un faux qui a été dénoncé (trop tard) par le Times en 1921. Un certain Adolf Hitler avec son Mein Kampf a même essayé d'en établir l’authenticité. Du coup, le livre se révèle être un mélange de vérité (fait historique) et de fiction, ce qui crée un peu la polémique. Car à travers Simonini, l'auteur (d)écrit quand même des horreurs...
"(…) il faudra tenter un jour l’unique solution raisonnable, la solution finale : l’extermination de tous les juifs. Les enfants aussi ? Les enfants aussi. Oui, je sais, cela peut paraître une idée à la Hérode, mais quand on a affaire à de la mauvaise semence il ne suffit pas de couper la plante, il faut la déraciner. Si tu ne veux pas de moustiques, tue les larves."
"La caractéristique principale des gens c’est qu’ils sont prêts à tout croire. D’ailleurs comment l’Eglise aurait-elle pu résister pendant presque deux mille ans sans la crédulité universelle ?"
"Il faut un ennemi pour donner au peuple un espoir. Quelqu’un a dit que le patriotisme est le dernier refuge des canailles : qui n’a pas de principes moraux se drape d’habitude dans une bannière, et les bâtards se réclament toujours de la pureté de leur race. L’identité nationale est la dernière ressource des déshérités. Or le sentiment de l’identité se fonde sur la haine, sur la haine de qui n’est pas identique. Il faut cultiver la haine comme passion civile. L’ennemi est l’ami des peuples. Il faut toujours quelqu’un à haïr pour se justifier dans sa propre misère. La haine est la vraie passion primordiale."
Vous l'aurez compris, cette lecture n'a pas été facile et m'a quelque peu traumatisé. Si vous êtes intéressé(e), lancez vous dans la découverte du Cimetière de Prague mais ayez le coeur bien accroché !
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