Article écrit par Omid Memarian pour "Courrier International" le 20 Juin 2007. Il est journaliste au quotidien des iraniens en exil "ROOZ".
Le ministre de l'Intérieur iranien veut encourager le "mariage temporaire" pour répondre à la misère sexuelle des jeunes.
Au moment où les pasdarans [gardiens de la Révolution, milice paramilitaire] envahissent les rues de Téhéran pour renforcer les interdits vestimentaires imposés aux femmes, le ministre de l'Intérieur iranien, Mostafa Pour-Mohammadi, vient de remettre sur le tapis le sujet du "mariage temporaire".
Ce mariage, une pratique prévue par l'islam chiite, permet d'avoir des relations sexuelles tout en se conformant à la loi islamique, les deux personnes contractant une union de 1h à 99 ans et qui peut être rompue à tout moment.
"Pouvons-nous ignorer les difficultés que rencontrent les jeunes ? L'islam a des solutions pour tous les problèmes humains, et le mariage temporaire est une solution à ce type de problème", a affirmé le ministre. "Si nous ne répondons pas de manière pratique aux besoins sexuels des jeunes, nous devons nous attendre à des répercussions."
Cette déclaration est insupportable. Le véritable défi de la société envers les jeunes, c'est de mettre fin aux politiques économiques injustes qui ont été appliquées pendant les années précédentes, et qui pendant les deux années de gouvernement d'Ahmadinejad [l'actuel président de l'Iran], n'ont pas été améliorées. Il faut aider les jeunes à trouver un logement, un travail, alors que le taux de chômage et le prix d'achat et de location d'un logement atteignent des records. Il n'est donc pas étonnant que les jeunes délaissent le mariage : en trente ans, l'âge moyen du mariage est passé de 20 ans à 30 ans.
Mais, du coup, avec une population de 60 % de jeunes, nous nous retrouverons dans une situation où des millions de jeunes doivent, depuis l'adolescence et jusqu'à leurs 30 ans, vivre dans une société qui entoure de règles inhumaines la relation naturelle entre l'homme et la femme.
Au cours des années passées, les responsables politiques ont été interpellés à maintes reprises sur les interdictions multiples et les règles que les citoyens sont obligés de transgresser au quotidien. Mais, tant que le mal-être né de ces interdits ne met pas en danger les fondamentaux de la société, les politiciens de la République islamique ne réagissent pas.
Bien que la misère sexuelle des jeunes existe depuis longtemps, ce problème s'est compliqué au point que le ministre chargé de la sécurité du pays propose une solution libérale autrefois combattue par les conservateurs. Et, au lieu de consulter les experts et les ONG, au lieu de discuter ouvertement de la sexualité dans les médias, les mollahs sortent de leur chapeau une solution miracle dont la pertinence peut être mise en doute. A vrai dire, le mariage temporaire est la façon la plus légère, la plus primitive, la plus simpliste de traiter une situation grave.
Le plus étrange, c'est que le ministre et ses acolytes veulent encourager le mariage temporaire alors que, dans le vrai mariage, les femmes ne sont pas assurées de leurs droits. Comment peut-on penser que les choses vont bien se passer dans ce vague demi-mariage ? Quand, de la maison aux tribunaux, les femmes sont toujours en position de faiblesse, comment peut-on présenter ce mariage comme un moyen de satisfaire les besoins sexuels des jeunes ? Dans une société où l'homme est tout-puissant, ce mariage n'est qu'un sacrifice supplémentaire pour les femmes.
Cher ministre, chers responsables du gouvernement "compassionnel" – comme aime à le présenter le président Mahmoud Ahmadinejad –, votre manque d'humanité envers les femmes n'a pas de limite. Toute demande raisonnable et pacifique des femmes visant à faire changer les lois discriminatoires à leur encontre se voit régulièrement opposer répression, arrestations et menaces. M. le ministre, les femmes vous diraient que le mariage temporaire pour apaiser l'envie sexuelle n'est pas une bonne solution, même s'il pimentera la vie d'une catégorie de membres de la société : les hommes. Monsieur le ministre, la crise que vous soulignez existe. Ses racines et ses conséquences en sont évidentes. Mais vous n'avez vraiment pas compris comment arranger les choses.
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