À l’occasion de la journée internationale de droits de l’Homme le 10 Décembre 2009, Angelina Jolie a publié un article dans l'hebdomadaire américain Newsweek. En VO, c'est ici ; pour la traduction, c'est là :
"Aujourd’hui, nous célébrons la journée mondiale des droits de l’Homme, fondée voici plus d’un demi-siècle, quand la communauté internationale déclara que le respect des droits et de la dignité des humains est "la fondation de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde", et décida qu’on ne devait plus jamais laisser se reproduire les horreurs de la deuxième guerre mondiale.
Ce fut pourtant le cas. Après Hitler, Staline et Franco en Europe, il y eut Mao et Pol Pot en Asie, et Mobutu et Taylor en Afrique.
Entérinant le fait qu’une déclaration ne pourrait à elle seule garantir ces droits, nous avons créé les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, puis les tribunaux ad hoc pour l’ex Yougoslavie, le Rwanda et la Sierra Leone, et enfin la Cour de Justice Internationale de La Hague. Plus jamais, avons-nous déclaré, les leaders du monde ne pourront commettre impunément des meurtres de masse.
Puis vint le Darfour où, depuis 2003, les milices soutenues par le gouvernement ont causé 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés. La situation était si grave qu’en avril 2007, Susan Rice, aujourd’hui représentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations Unies écrivait : "Les Etats-Unis doivent se battre pour obtenir une résolution des Nations Unies au titre du Chapitre VII de sa charte, et délivrer au Soudan un ultimatum : accepter le déploiement inconditionnel des forces de l’ONU sous une semaine, ou subir les conséquences militaires de son refus… Si les Etats-Unis échouent à obtenir le soutien des Nations Unies, nous devons agir comme nous l’avons fait en 1999 au Kosovo". La Cour Internationale de Justice émit alors des mandats d’arrêt pour le président soudanais Omar al-Bashir, une première pour un chef d’état en exercice, et d’autres leaders soudanais impliqués dans les atrocités au Darfour.
De notre côté, nous avons patienté, en nous demandant si ceci pourrait au final permettre le sauvetage des populations du Soudan et la fin du cycle de l’impunité.
L’administration Obama a récemment dévoilé une nouvelle politique vis-à-vis du Soudan, destinée en premier lieu à garantir l’application complète du traité qui a mis fin à la guerre civile nord sud au Soudan. Alors que l’administration continue d’affirmer qu’elle ne traiterait pas avec al-Bashir, ou tout autre officiel sous le coup d’un mandat d’arrestation, elle n’a pas pour autant annoncé de mesures concrètes concernant l’application de la décision de la CIJ et l’exécution de ses mandats.
Il y aura des pressions sur les Etats-Unis et ses partenaires en vue de restaurer la stabilité au Soudan, au prix, éventuellement, de la justice. Quelles qu’en soient les justifications, le résultat sera le même : des victimes privées de justice, des criminels laissés libres.
Même si la justice est retardée, elle ne doit jamais être refusée. La Déclaration des Droits de l’Homme n’a pas promis liberté OU justice OU paix.
Comme de nombreux Américains, je soutiens la volonté de l’administration de maintenir des contacts diplomatiques, y compris avec des régimes que nous abhorrons. Et je crois que le président Obama et son envoyé spécial Scott Gration feront de leur mieux pour apporter la paix dans cette région. Leur politique, toutefois, soulève un certain nombre de questions : en quoi la position de l’administration sur le Soudan a-t-elle quoi que ce soit à voir avec la justice ? D’autre part, quand l’administration dit qu’elle entend travailler à "améliorer la vie des populations du Darfour", je serais curieuse de savoir ce que cela signifie, outre le fait, évident, que leur vie pourrait difficilement être pire.
Quelles seront les conséquences de ce précédent pour les chefs d’état du futur ? Pourront-ils, au final, rester sous l’œil attentif des instances internationales tout en empochant l’assistance financière et l’aide humanitaire qui se déverse sur leur pays ? Seront-ils incités à agir avec impunité ou auront-ils à craindre d’être tenus responsables ?
Au Soudan, l’administration doit trouver les moyens d’amener al-Bashir devant ses juges, quand bien même elle recherche la stabilité au Darfour. Ceci signifie de s’assurer de la coopération de tous les membres permanents du conseil de sécurité des Nations Unies, afin de proclamer que la communauté internationale ne tolérera pas les atrocités de masse.
J’espère également que nous agirons suffisamment en amont, et avec assez de fermeté pour éviter de futures atrocités. Un rapport du Council on Foreign Relations publié aujourd’hui comporte des recommandations sur la façon d’améliorer l’efficacité du conseil de sécurité des nations unies, en décourageant l’exercice du droit de veto dans les cas d’atrocités de masse, et demande aux Etats-Unis d’affirmer sa volonté d’agir unilatéralement si nécessaire.
En cette journée internationale des droits de l’homme — le jour même où le president Obama reçoit son prix Nobel de la paix — nous devons également nous souvenir de ceux que l’on a privés de leurs droits. Contraindre ceux qui se rendent coupables d’atrocités de masse à assumer la responsabilité de leurs actes est la meilleure façon de garantir la justice aujourd’hui et la paix dans le futur. Commençons par le Soudan."
1 commentaire:
Et oui, belle et surtout pas conne...
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