Virées dans des quartiers dangereux, sinistrés ou miséreux : l'offre paradoxale du tourisme voit naître depuis quelques mois une nouvelle catégorie de voyages. Un registre du mauvais goût qui s'étoffe de jour en jour.
Guerre et misère : telles sont les nouvelles rubriques des catalogues du voyage. Coté conflits, au Salon du tourisme de Berlin de Mars 2006, certains stands ont ainsi présenté des "treks guerilleros" encadrés par des combattants recyclés. Au cambodge, les autorités tentent de transformer le lieu de crémation de Pol Pot en attraction touristique. Peut-être sur le modèle de l'ex-Saïgon... Le musée des horreurs de la guerre fait fureur et les cadeaux que les touristes masculins aiment rapporter des marchés restent le faux vieux Zippo de GI et les photos d'exactions commises pendant la guerre.
Dans un autre registre, le désastre fait aussi recette à la Nouvelle-Orléans, où le "Hurricane Katrina Tour" propose des excursions dans les quartiers ravagés par l'ouragan. Du côté de Kiev, en Ukraine, l'agence New Man Travel propose une escapade à Tchernobyl. Le coût du "Voyage en 1986" : 292 euros, vêtements de rechange, combinaison protectrice et collation inclus.
La misère non plus n'est pas en reste. Aux Canaries, l'été dernier, sur les plages, les touristes attendaient impatiemment l'arrivée des cayucos, ces barques de fortune transportant des milliers d'émigrés africains clandestins, épuisés et déshydratés. Au Brésil,, où les "favelas tours" font un malheur, un hôtel de luxe a ouvert ses portes en octobre dernier au coeur des quartiers durs. A Lisbonne, la dernière activité touristique tendance est la découverte du bidonville de Cova de Moura, principalement habité par des émigrants cap-verdiens. Le tour, accompagné d'un guide, se termine dans une baraque en tôle ondulée pour déguster un plat typique du pays.
Cette attirance pour les lieux à risques n'est pas nouvelle - Harlem, à New York, dans les années 1990 -, mais elle est aujourd'hui exacerbée par l'explosion d'un tourisme de masse qui se rattache derrière l'alibi du voyage culturel, voire éthique. Volonté de se rassurer, de conjurer le malheur et la précarité des choses en se maintenant dans une position favorable, comme le suppose David Le Breton, auteur de Passion du risque (Editions Métailié, 1991) ? Une seule certitude : la fascination du danger et le voyeurisme sont devenus aujourd'hui de nouvelles niches marketing sur fond d'éxotisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire