lundi 17 septembre 2007

Arcimboldo

A défaut de connaître le nom d'Arcimboldo, vous n'ignorez sans doute pas ses trognes. Constituées d'imbroglios de fleurs, de fruits, de légumes ou d'animaux, elles amusent, étonnent, agacent. Mais il ne faudrait pas les réduire à de simples extravagances....
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu'en ce moment, il y a une exposition au musée du Luxembourg (Paris) qui montre que la personnalité et les peintures de l'artiste sont des plus complexes. Enquête sur le mystère des courgettes...

Qui est-il?


Originaire d'une famille de peintres, Giuseppe Arcimboldo est né dans une Europe convulsive, à Milan, en 1527, l'année du sac de Rome par les troupes de Charles Quint. Ses débuts n'ont rien de fantaisiste, puisqu'il réalise, au côté de son père, des cartons de vitraux et de tapisseries. Sans doute se fait-il déjà remarquer, car, en 1562, il est appelé à Vienne par les Habsbourg. Il passera à la cour 25 ans de sa vie, au service de Ferdinand Ier (1503-1564), de Maximilien II (1527-1576) puis de Rodolphe II (1552-1612). Peu après son arrivée, il se met à peindre ses têtes délirantes. Elles lui vaudront la gloire.

Les talents d'Arcimboldo sont néanmoins plus étendus. Portraitiste de la cour, il est également grand ordonnateur de ses fêtes et de ses cérémonies. Parallèlement à ses allégories culinaires telles que L'Eté, L'Hiver ou Le Cuisinier, il peindra quelques portraits de facture classique, comme celui de Maximilien entouré de sa famille, ou des esquisses de costumes, de décors et de chars. En toutes choses, Arcimboldo se rend indispensable. Si bien qu'en 1587, lorsqu'il demande l'autorisation de regagner sa ville natale, Rodolphe le laisse partir à condition qu'il continue de travailler pour lui. De Milan, l'artiste lui enverra son dernier tableau: Vertumne, nez en poire et joues de melon, représentation de l'empereur sous les traits du dieu romain de la Végétation. Rodolphe dut en être satisfait, car il récompensa Arcimboldo du titre de comte palatin.

D'où lui vient son goût de l'étrange?

Cette propension pour le bizarre n'est pas le propre d'Arcimboldo, mais reflète la tendance maniériste de l'époque pour le monstrueux, le spectaculaire, les singularités de la nature. Les figures grotesques de Léonard de Vinci ou les anamorphoses de Holbein en sont déjà l'expression. Arcimboldo pousse cet esprit à l'extrême, usant du principe d'accumulation jusqu'à l'écœurement. Il va aussi imaginer des tableaux réversibles, à l'image du Jardinier: vu dans un sens, il montre une jatte remplie de légumes; de l'autre, la tête rebondie dudit jardinier.

Mais ses tableaux furent sans doute également influencés par l'atmosphère de la cour impériale, qu'animait le double intérêt du savoir et de l'irrationnel. Le cabinet de curiosités des Habsbourg, qu'il contribua à enrichir, regorgeait de «merveilles» qui ne pouvaient le laisser indifférent: animaux naturalisés, poissons-scies, minéraux précieux, momies... Dans son entourage évoluaient des penseurs de tous horizons: astronomes, mages, alchimistes ou savants étudiant le mouvement perpétuel ou la quadrature du cercle. Il inventera lui-même un procédé pour traverser les fleuves sans pont ni embarcation, ainsi qu'une «méthode colorimétrique de transcription musicale».



Ses facéties ont-elles une signification?

Ce qui apparaît aujourd'hui comme une parodie fut reçu favorablement à l'époque. L'idée aristotélicienne selon laquelle le cosmos, le monde, les hommes, les animaux et les plantes constituent un tout et qu'il existe des correspondances entre microcosme et macrocosme a sans doute présidé à l'élaboration des tableaux. A une époque où l'Autriche aspirait à dominer le monde, les représentations des saisons et des éléments (air, eau, terre, feu) peuvent apparaître comme des hommages au souverain et comme des messages codés envoyés à son entourage. L'agencement savant des fruits ou des animaux, ou, au contraire, leur assemblage inquiétant renverrait à l'harmonie régnant sous la dynastie des Habsbourg ou à la menace que suggère un empire aussi puissant.

Dans les années 1980, Roland Barthes, expert en sémiotique, livrera une interprétation bien éloignée. Il comparera cette méthode de construction des têtes à celle du langage, considérant ces toiles comme un «laboratoire de tropes». «Un coquillage vaut pour une oreille, c'est une métaphore, écrit-il. Un amas de poissons vaut pour l'eau, dans laquelle ils habitent, c'est une métonymie. Le feu devient une tête flamboyante, c'est une allégorie...»

Giuseppe Arcimboldo tomba dans l'oubli peu de temps après sa mort, en 1593. Ce sont les surréalistes, amateurs de jeux visuels, qui redécouvriront, dans les années 1930, ses bizarreries plastiques.

Pour info :
Arcimboldo. Musée du Luxembourg, Paris (VIe). Du 15 septembre 2007 au 13 janvier 2008.

NB : Vous avez aussi ses fameux 4 tableaux représentant les saisons au Louvre (galerie italienne)

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